Sur l'invitation de Cécile Mainardi et de Joseph Mouton, j'ai donné une conférence "Les Mondes possibles d'Internet" à l'Ecole d'art de la Villa Arson le 10 février 2005. Joseph Mouton a bien voulu rendre compte de certains aspects de cette conférence dans son texte "Fortune des noms anonymes", paru dans le recueil Fresh théorie , aux éditions Léo Scheer, 2005, sous la direction de Mark Alizart et Christophe Kihm.
Que Joseph Mouton soit remercié de cette référence, certes exigeante, quand il avance : "les "appels à artistes" auxquels il <Y.M.> se livrait n'avaient pas beaucoup de sens venant de la part d'un homme qui ne possédait lui-même aucune autorité artistique"....J'espère que ce Blog permettra à l'avenir d'enrichir ce type de débat, y compris avec l'intervention d'amis Netartistes, comme Jean-Pierre Balpe, Christophe Bruno, Gregory Chatonsky ou Tamara lai....
Mais laissons la parole à Joseph Mouton:
"Les noms anonymes et l'idéologie
Yannick Maignien, qui a été l'instigateur de la numérisation de la Bibliothèque Nationale de France et y a travaillé effectivement, donnait récemment une conférence à la Villa Arson à propos d'Internet. Il insistait beaucoup sur la dimenesion de fiction et d'incertitude liée à cette technologie de la communication. Il s'étonnait que les artistes aient jusqu'ici fait montre de timidité dans ce domaine fondamental : pourquoi si peu ont essayé de fabriquer des mondes fictifs sur la toile ? Pourquoi rencontre-t-on si rarement des formes qui jouent sur le caractère invérifiable des informations, des narrations et des identités fournies par ce canal? Il aurait fallu, en somme, selon lui, se servir de la quasi disparition de la référence (un des traits les plus fascinants du Réseau), comme d'un matériau ou d'une incitation pour une activité cyber-artistique. Or, quoique le conférencier Maignien se soit montré très persuasif au plan de la culture (notamment en plaçant sa réflexion sous le patronage de Leibniz et des Mondes possibles), il ne laissait cependant d'apparaître en porte-à-faux ; car les "appels à artistes" auxquels il se livrait n'avaient pas beaucoup de sens venant de la part d'un homme qui ne possédait lui-même aucune autorité artistique. Sans doute aurait-il été plus réaliste d'un point de vue intellectuel de chercher des raisons au fait que la "vérifiction" que ne cesse de tramer, soi-disant, la Toile dans son sein n'intéresse pas les artistes d'une façon significative. En réalité, il me semble que l'idée d'un univers sans fond, parce que entièrement sui-référentiel (malgré -ou à cause de- sa très grande complexité) se ramène aisément à un motif idéologique : celui de la disparition heureuse de la réalité (avec toutes les contradictions, les impossibilités, les catastrophes, les combats et les espoirs qu'elle charrie dans son cours). A cet égard, on peut interpréter de deux façons la classe des noms anonymes : soit l'on constate, comme je l'ai fait, qu'en un point, la précision numérique qui appartient à l'ordre de la lettre (et par là à l'ordre du symbolique) tend par sa spécialisation même à quitter sa valeur symbolique initiale pour se mettre à flotter (par exemple en d'innombrables menus) ; soit l'on suppose que le quantum symbolique perdu est compensé par l'imaginaire tel que le fournit la Toile dans son ensemble, dont le centre est partout et la circonférence nulle part; auquel cas il ne faut plus parler de noms anonymes, mais plutôt de noms de fiction, ou pour mieux dire de pseudonymes. A l'évidence, cette seconde perspective offre à de nombreuses personnes matière à jubiler.
J'abrège l'argumentation : longtemps le concept de fiction s'est trouvé opposé à celui de réalité. Mais - corollairement, semble-t-il, avec le développeement de théories enthousiastes du Net - est apparu un nouveau concept de fiction, qui signifierait plutôt un régime d'incertitude (voire d'indifférence) quand à savoir le rapport que ses termes entretiennent avec la fiction (au sens classique du terme) aussi bien qu'avec la réalité. Il me suffira ici de noter que la diffèrence idéologique entre la fiction classique et cette méta-fiction réside dans le fait que celle-là permet encore de se référer à la réalité, alors que celle-ci ne peut plus référer qu'à du possible, au sens de n'importe quoi.
Quans à savoir pourquoi les artistes ne se bousculent pas pour organiser des pseudo-vies parmi les blogs, les sites, les chats, et les cookies, je hasarderais que c'est à cause du principe de réalité (dont Freud a finement suggéré qu'il était le principe de plaisir, juste transformé par la prise en compte de la suite du temps). Et il est vrai que ces sortes d'entreprises exigent une grande ténacité et beaucoup de technique pour un résultat qui n'a rien d'évident : cela fait réfléchir. "
Publié avec l'aimable autorisation des Editions Léo Scheer et de Joseph Mouton. Droits réservés .
Comme je l'indiquais dans cette conférence, citant N. Goodman :
“Ce que nous confondons avec le monde réel n’est qu’une description particulière de celui-ci. Et ce que nous prenons pour des mondes possibles ne sont que des descriptions également vraies, énoncées en d’autre termes. Nous en venons à penser le monde réel comme l’un des mondes possibles. Nous devons renverser notre vision du monde, car tous les mondes possibles font partie du monde réel”. Nelson Goodman Fact, Fiction and Forecast p. 74
je pense que que mouton n est pas juste .
ces "nouveau nom " ne sont que des transcriptions techniques de nom preexistants,l ecriture n'est pas consubstantielle a la langue ,c est donc une nouvelle ecriture des mots et non pas de nouveaux mots .
bien a vous
kevin lefranc
Rédigé par : lefranc kevin | 07 juin 2008 à 19:17